Paru sur le Café Pédagogique : un article sur la 4ème biennale internationale de l’éducation nouvelle

Publié le
Lecture ~3 minutes

Difficile de dater le début exact du mouvement pour l’éducation nouvelle dans le monde (vers la fin du 19° siècle), ni même l’endroit de sa source précise (en Italie, en Belgique, en France, aux USA ?). Depuis plus d’un siècle s’écoule le fleuve de celles et ceux qui veulent, en permanence, agir sur l’éducation pour agir sur le monde.

En 2024, tous les affluents ont convergé, le temps d’une semaine, à Saint-Herblain, tout près de Nantes, pour la 4ème biennale internationale de l’éducation nouvelle, portée par le mouvement « Convergences ». Pendant ces quelques jours, 26 organisations d’éducation nouvelle de différents pays, représentées par 480 participant.es, ont vécu des moments d’échanges et de partages pour réaffirmer une ambition d’émancipation, de démocratie, de solidarité et tout un cortège de valeurs affichées en permanence sur les murs du lycée agricole qui accueillait le rassemblement ou sur les plaquettes indiquant les dizaines d’ateliers et de conférences qui se sont enchainées. La biennale a commencé en petit  comité (80 personnes) avec une session de formation à l’éducation nouvelle pour des formateur/rices et futur formatreur/rices durant 3 jours, avant d’accueillir les centaines de participant.es venu.es du monde entier. Se sont alors enchaînés, puisque qu’il est nécessaire d’être acteur/rice de sa propre éducation, 90 ateliers de témoignages, d’échanges, de pratiques ou ressources, tout au long de l’évènement. On y aura aussi des temps forts comme les conférences d’Edwy Plenel ou de Monique Pinçon-Charlot et des soirées animées par des concerts, chorale, théâtre, conférence gesticulée ou spectacle de danses palestiniennes. Les enjeux du manifeste 2022 de « Convergences pour l’Éducation Nouvelle » ont ainsi été balayés sous différentes formes et affirmés avec force dans un monde en crises.

Pour le café pédagogique, Jean-Luc Cazaillon, membre du comité de pilotage de « Convergences », rappelle que ce mouvement, né 100 ans après le rassemblement de Calais en 1921, pose la question : « Peut-on à nouveau retrouver cette ligue internationale d’éducation nouvelle et affirmer politiquement dans le paysage mondial la pertinence de nos propositions ? ». Il faut dire qu’en 1921, plusieurs milliers de militant.es, dont des pédagogues, philosophes, psychologues … qui font référence encore aujourd’hui, s’étaient donné rendez-vous pour lancer un puissant mouvement de pédagogie nouvelle, qui a depuis été largement étoffé et dont beaucoup s’inspirent encore aujourd’hui. « Convergences » s’est fixé comme objectif de fédérer et redynamiser la galaxie des mouvements d’éducation nouvelle, que l’on retrouve parfois sous d’autres termes comme « rénovation pédagogique » en Espagne ou « éducation alternative » au Québec. Jean-Luc Cazaillon confie alors l’importance, dans ce monde libéral, de s’inscrire « en résistance avec ces visions dominantes. Pas une résistance passive ou théorique mais des résistances concrètes car nos militant.es sont investi.es concrètement sur le terrain, ce sont des acteurs. Et je pense aux camarades qui œuvrent au Liban, en Palestine, en Haïti, en Ukraine qui sont en résistance aux modèles dominants. Y compris en France, même si on n’est pas dans le même contexte, la question des pédagogies nouvelles est importante. Beaucoup de composantes de convergences, comme la FESPI qui expérimente des lycées autogérés, sont des manières de résister. On résiste aussi au sein des institutions comme l’éducation nationale. Il y a dans Convergences l’OCCE, l’ICEM, le GFEN … où les militant.s agissent concrètement sur le terrain. »

Parfois, rajoute cet ancien directeur général des CEMEA, l’institution reconnait la puissance des pédagogies actives et sollicite les associations : « On reconnait les associations de pédagogie nouvelle quand le système scolaire est défaillant avec certains élèves. Comme par hasard, quand un élève décroche, on reconnait nos stratégies d’apprentissages différentes. Mais nous on dit que, certes c’est efficace, mais que c’est aussi efficace avec les élèves qui ne décrochent pas. Et c’est raccord avec un projet de société qui est de faire de l’école non seulement un lieu d’apprentissage mais un lieu d’émancipation, qui donne aux citoyens les moyens de comprendre le monde pour agir dessus ».

En 2024, dans un contexte de multiples crises en France ou dans le monde, affirmer une ambition pour l’école n’est pas une mince affaire. Lors de cette 4ème biennale, elle résonne avec ce que déclarait en 1932, la Ligue Internationale pour l’Éducation Nouvelle : « Seule une éducation réalisant dans toutes ses activités un changement d'attitude vis-à-vis des enfants peut inaugurer une ère libérée des concurrences ruineuses, des préjugés, des inquiétudes et des misères ». Pour Jean-Luc Cazaillon, elle se décline en 3 axes portés par la biennale : « C’est d’abord un espace de rencontres. C’est pour ça qu’on a des ateliers qui permettent aux acteurs de terrain non seulement de présenter ce qu’ils font mais aussi de le soumettre au regard des autres. C’est aussi ça l’éducation nouvelle. Puis c’est aussi l’occasion d’échanger ensemble et de discuter des grands sujets de société comme le rapport à l’écologie, la montée des populismes ou l’échec scolaire socialement marqué. Enfin, nous portons l’objectif de construire une parole commune qui nous rende visible dans le paysage politique français. On est des acteurs de terrain, reconnus, mais il faut qu’on soit capables de porter une vision politique et réaffirmer l’existence et l’importance de l’éducation active ». Et déjà les militant.es de l’éducation nouvelle, accoudé.es au bar autogéré devant un thé 1336, pensent à la prochaine Biennale qui aura lieu en 2026, à Vérone en Italie. Peut-être que, dans la ville de Roméo et Juliette, les valeurs de fraternité, de solidarité ou de coopération portées par la biennale seront aussi une affaire d’amour et de passion ?